À Port-au-Prince, la non-réponse de l’UE sur le mécanisme de stabilisation pour la banane

La 34ème session de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE s’est tenu à Port-au-Prince à Haïti du 18 au 20 décembre 2017. Lors du sommet UA-UE, les enjeux agricoles avaient déjà été abordés, et à travers ceux-là, les questions relatives à la banane. L’objectif était alors surtout d’insister auprès des Européens sur l’importance de soutenir l’Afrique dans la transformation de son modèle agricole pour poser les bases d’une croissance inclusive et durable. Le rendez-vous de Port-au-Prince a été l’occasion d’élargir à l’ensemble des ACP et d’approfondir ces questions en abordant des aspects plus techniques, comme la question du maintien du mécanisme de stabilisation pour les bananes.

L’honorable Ben Abdallah Banda, député ghanéen, a ainsi interrogé M. Neven Mimica, commissaire pour la coopération internationale et le développement.

« Nous avons une question à propos du mécanisme de stabilisation des bananes.

Ce mécanisme permet aux exportateurs (issus des ACP) de bananes d’être protégés temporairement en cas de sur-approvisionnement du marché européen (par les producteurs latinos), au risque de faire chuter dangereusement les prix. Ces chutes des prix affectent particulièrement les producteurs des pays ACP, qui dépendent significativement du marché européen pour leurs exportations.

Mais même dans des circonstances où la chute des prix était nette, le mécanisme de stabilisation n’a jamais été déclenché par l’Union Européenne.

Nous aimerions tout d’abord savoir pourquoi ce mécanisme n’a jamais été activé. Et nous aimerions également être rassuré sur le fait que malgré tout, ce mécanisme sera préservé afin de protéger les économies ACP dont certains secteurs à l’export sont fragiles du fait de leur dépendance au marché européen.

Je vous remercie »

Face à ses interrogations, le commissaire Mimica est resté assez évasif. S’il a insisté sur le fait que l’Union européenne a toujours pris en compte la fragilité de certains secteurs à l’exportation des pays ACP, il n’a pu exprimer une position claire de la commission européenne sur ce sujet dans un futur proche. Le commissaire européen pour la coopération internationale et le développement s’est contenté d’expliquer que des discussions étaient en cours entre la Commission et les pays ACP sur ce mécanisme d’absorption des chocs, afin de définir l’ensemble des modalités et des critères pour recourir à ce mécanisme en fonction des circonstances.

Ce mécanisme de stabilisation est indispensable pour les producteurs et exportateurs de fruits que représente Afruibana. Ce mécanisme a été introduit dans les accords de l’UE avec les principaux pays latino-américains exportateurs de bananes et permet d’appliquer un droit de douane plus élevé lorsque les importations latino-américaines dans l’UE atteignent un certain seuil. Malheureusement, dans l’esprit des Européens, le mécanisme doit être utilisé uniquement en cas de choc sur les prix et non sur les parts de marché.

Or en 2016, plus de 70% des bananes consommées dans l'UE provenaient d’Amérique latine alors que la production des pays ACP ne représente déjà plus que 18% de la consommation européenne et celles des bananes européennes seulement 12%. Ceci est d’autant plus préoccupant que les bananes latino-américaines bénéficient de larges débouchés aux Etats-Unis et au Canada, tandis que le marché européen est l’unique débouché des bananes européennes et ACP ! L’accès au marché européen est donc une question de survie pour la banane des pays ACP et pour les nombreuses familles qui dépendent de cette culture.

L’abandon de ce mécanisme serait une porte ouverte à la possibilité d’un dumping massif par les producteurs latinos. La production sud-américaine pourrait submerger le marché européen sans grande difficulté, si l’on ne protégeait pas les productions des ACP et des pays européens. Aujourd’hui, même si le mécanisme n’est pas activé, il a une fonction de dissuasion capitale vis-à-vis des pays producteurs latinos.

C’est pourquoi l’Afruibana fait du maintien du mécanisme de stabilisation une priorité de ses revendications devant les institutions européennes. Et même au-delà, Afruibana défend l’idée que le mécanisme de stabilisation doit envisager non seulement les chocs sur les prix mais aussi les chocs sur les parts de marché des différents producteurs. Mais pour cela, l’Union européenne doit réformer le mécanisme et surtout ne plus hésiter à le mettre en œuvre.